Fruit d’une relation interdite entre une femme issue d’un milieu austère et conservateur, déjà promise à un autre, et d’un homme de classe moyenne, tout ce qu’il y a de plus moyen, Nate fut donné en adoption à une famille aimante venant d’Espagne. Sa mère et son père adoptifs ne pouvaient biologiquement pas avoir d’enfants, mais n’en désiraient pas moins une ribambelle. Ils ne possédaient pas beaucoup d’argent, aussi ne purent-ils en adoptés qu’un seul. Ils étaient tombés sur cette annonce d’une famille japonaise qui était prête à donner l’un de leur bambin, tous frais payés. Ils paieraient les billets d’avion pour venir chercher l’enfant, ainsi que les frais pour l’hôtel et de déplacement dans la ville. Ainsi, Nate Andreas fut enlevé aux bras de sa mère biologique.

Il passa une enfance relativement normale, dans une banlieue d’Espagne. Il apprit l’espagnole, l’anglais et un peu de japonais. Sa mère biologique, Anna, tenait à ce qu’il conserve un peu de ses origines. Cependant, comme il ne pouvait le pratiquer avec personne, il cessa vite son apprentissage. Il conserva un peu de ses connaissances en écoutant des anime japonais, mais rien de bien exceptionnel. Il était reclus, à part des autres. Anna ne cessait de lui dire que ce n’était pas de sa faute… Il était né ainsi, voilà tout. Nate le voyait d’un autre œil. Il avait l’impression de se tenir seul devant une immense armée. Il avait beau se battre contre cette nature, il perdait toujours. Pourquoi se démener autant? Le jeune homme cessa vite ses tentatives et s’emmura davantage dans son mutisme et son monde intérieur. Un voyage chez le psychologue lui apprit qu’il y avait un diagnostic à sa condition. Trouble de la personnalité évitante. Et voilà, il était damné, étiqueté jusqu’à la fin de ses jours. Son père proposa de payer pour les séances qui lui permettraient peut-être d’aller mieux. Nate refusa. Il savait que ses parents ne gagnaient pas beaucoup d’argent et il se savait hors d’atteinte.

Nate grandit donc en se sentant comme un poids, un boulet, un fardeau pour ses parents adoptifs. Plus les choses allaient, et moins il était réceptif à leurs démonstrations d’affection. C’est pourquoi lorsque sa mère biologique reprit contact avec lui, il ne refusa pas sa proposition de retourner vivre avec elle, au Japon, là où était sa véritable place, comme elle disait. Anna et Renaldo furent surpris, choqués, dévastés par cette nouvelle, mais ils acceptèrent son choix. Que pouvaient-ils y faire? Le sang appelle le sang.

En déménageant au Japon, Nate comprit l’incroyable erreur qu’il venait de commettre. Sa mère biologique était froide et autoritaire. La barrière de la langue l’isolait encore plus. Il se sentait comme une bête de foire. Sa vraie mère, Kaori, ne semblait pas l’aimer, et l’évitait dès qu’elle le pouvait. Il aurait pu revenir sur sa décision, mais il n’en avait pas le courage. De plus, il s’était convaincu que la famille Andreas le détestait et ne le reprendrait jamais. Kaori l’envoya donc au pensionnat rayen. Elle prétextait qu’il y avait beaucoup d’étudiants étrangers, ce qui l’aiderait dans sa transition. Mais… Nate n’était pas stupide. Elle voulait juste l’envoyer le plus loin possible, se débarrasser de lui.