T’as vie elle n’a pas toujours été toute rose ma belle. Et aujourd’hui t’as enfin réussi à faire le cap, même si ils te restent encore quelques bribes sordides je suppose.  Quand t’étais gamine t’étais toujours en train de dessiner aussi, hein, je m’en rappelle comme si c’était hier, t’avais à peine 6 ans que tu passais déjà ton temps à recouvrir des feuilles entières  de dessins, très brouillons à l’époque certes, mais déjà pas mal pour une si jeune petite. Une enfant aussi mignonne que tu l’étais n’aurait jamais dû voir les atrocités que tu as vécues. Ça avait fait la une de tous les journaux à l’époque, ces foutus journalistes à prendre le malheur des autres, à la une « La voiture de la richissime famille Bloom est tombée du pont alors que le conducteur, Jefferson Bloom, était ivre au volant. La voiture s’est enfoncée dans l’eau plus bas. Seule leur petite fille seulement âgée de 6 ans a pu être sauvée lorsque plusieurs témoins de la scène ont sautés à l’eau pour aider la famille. » C’est depuis ce jour que je t’ai sous ma garde, moi ta tante, et c’est aussi depuis ça que tu crains l’eau d’ailleurs, aujourd’hui ça c’est un peu calmée, mais avant tu refusais presque de prendre ne serait qu’une douche ou d’aller dans des aquariums. T’en faisais des cauchemars la nuit, et tu t’es renfermée sur toi-même tu sais. Je me demande si tu te rappelles de tout ça. Tu ne parlais plus, mais tu dessinais, à longueur de journée, mais ce n’était pas des soleils jaunes et souriants qu’il y avait mais une voiture, de l’eau, des traces rouges. Et souvent, une petite fille, qui pleurait. La maîtresse me l’a conseillé tu sais, de te faire voir un psy mais j’étais catégoriquement contre. J’avais seulement 20 ans j’étais idiote je pense, et pas aussi riche que tes parents. Ça m’aurait coûté trop cher et j’étais absolument sûre que tu n’en avais pas besoin, en y repensant je me dis que ça aurait définitivement pu t’aider. Parfois je me dis que c’est de ma faute si tu es toujours si seule…

Ça n’empêche que malgré ta solitude tu as bossé à l’école, tout comme il faut, pendant que moi je m’énervais contre les gens qui se retournaient dans ta direction lorsque tu marchais dans la rue, toi tu étais très calme, tu t’en fichais. Tu avais à peine huit ans, peut-être qu’au fond tu ne comprenais juste pas le sens de ces yeux qui louchaient sur toi. Mais moi ça me tuait de me dire que tu étais si connue à cause d’une tragédie pareille, les journaux et la télé t’avaient transformé en bête médiatique. C’est alors que j’ai demandé à mon frère, ton oncle, de nous accueillir chez lui. Au Japon, le temps que l’histoire se tasse tu vois. Tu as vite apprit la langue, enfin vite… il t’a fallu cinq bonnes années pour être réellement familière à tout ça. Oui, en fin de compte je me suis beaucoup plus là-bas et ça m’éloignait de la catastrophe et du deuil. Aujourd’hui je le sais j’ai fuis. Je l’assume pleinement. Etant occidental et rousse de surcroit, tout le monde t’as vite adopté, l’engouement pour les occidentaux au Japon m’étonnera toujours. Enfin ça doit venir de leur mangas avec les yeux grands ouverts là, je pense que ça doit jouer hein princesse ? Oh, désolée, j’arrête de t’appeler comme ça.

Je me rappelle du nombre de prétendants qui te parlaient, qui venaient à la maison exprès pour ta petite personne, mais ça ne semblait pas plus t’intéressée que ça je me trompe ? Toujours foutue à lire ou à dessiner, tu n’as pas vraiment changée je suppose. Même si tu es tombée amoureuse à plusieurs reprises tu as toujours été à côté de la plaque à ce niveau-là ! Ton calme et ta gentillesse en ont attiré plus d’un. Et ceux qui t’embêtait tu les faisais taire d’un coup de poing, j’étais tellement fière de toi ! Je le suis toujours, et ton oncle aussi d’ailleurs. Et aujourd’hui… Oui.

Aujourd’hui tu prends ton envol plus loin de nous à Rayen, tu m’as dit vouloir à tout prix y aller. Je crois que tu étais intriguée par tout ce que ce bâtiment a vécu n’est-ce pas ? Je me suis un peu renseignée sur l’histoire, désolée, je m’inquiète juste pour toi. Toi qui aime les vieilles choses qui ont une belle histoire tu as été servie ! J’espère que tu te plairas là-bas, vraiment. Si des personnes t’embêtent sur ta couleur de cheveux, ton style, ou quoi que ce soit, n’oublie, un bon crochet du droit et tout devient magique ! (si tu ne te plais pas là-bas tu peux toujours rentrer hein !)

Oh je parle trop et je n’ai presque plus de papier et d’encre. Enfin on va faire court pour la fin. Je t’aime ma grande, prend bien soin de toi ! N’oublie surtout pas de nous écrire.    [/b])