« Mattheus. Il s’appellera Mattheus. » Son père n’avait pas pu faire grand-chose lorsque Mme Haubenestel avait décidé du nom de son fils. A la maison les rôles étaient l’inverse des foyers dits « traditionnels » : la mère travaillait et le père était à la maison. Le jeune couple représentait à la perfection l’expression selon laquelle « les opposés s’attirent » : la mère travaillait pour l’armée et ne supportait pas le désordre ; le père était souvent dans les nuages, et essayait de terminer l’écriture de son roman entre deux changements de couches.  Ainsi Mattheus aurait pu être la création d’un « esprit sain dans un corps sain », or il s’agissait plutôt d’un « esprit simple dans un corps sain ». Au départ les parents choisirent une éducation purement militaire à cet enfant. La mobilité de la jeune mère fit que Mattheus fut trimballé de pensionnats en pensionnats autant en Alsace (sa région native) qu’en Angleterre, aux Etats-Unis ou au Japon. C’est d’ailleurs ainsi que le jeune Mattheus atterrit au pensionnat Rayen… Néanmoins ces déménagements à répétition avaient pour conséquence un niveau bien médiocre dans les matières qui méritaient une quelconque réflexion. Il connaissait par cœur le moment de la décision d’orientation à la fin d’année, qui le replongeait souvent dans des cours déjà vus. Ces repiquages l’ennuyaient, il n’écoutait pas les profs, et s’amusait à collectionner les seules victoires qui étaient à sa portée : les heures de colles. Le seul cours où il était assidu et discipliné était le sport.