Bordel, bordel, bordel. J'ouvre les yeux, lentement, encore largement plus qu'à moitié endormie et je sens la lumière du soleil levant qui tente de me repousser vers Morphée. Y'a des jours comme ça où avant même d'émerger j'ai une chanson dans la tête, bon en général c'est pas dérangeant mais là j'ai la tête dans le cul et le cul... Je sais pas trop. J'ai aucune idée d'où je suis et pas le courage d'y réfléchir dans l'instant, tout ce dont j'ai conscience c'est cette chanson - non pardon, ce tout petit morceau de chanson - qui se répète en boucle dans ma tête. Je prends une grande inspiration... ou plutôt je respire - est-ce que je respirais ? Est-ce que j'avais pas oublié ça ? Ana, tu te poses des questions d'une connerie sans nom. J'ai envie d'une clope, je me suis habituée à la douce lueur du jour à travers mes paupières closes et je sens que c'est le moment parfait, cet instant de la journée qui mêle à la fois jour et nuit, j'imagine les étoiles dont le scintillement s'évanouit petit à petit dans la chaude palette du soleil, je vois quelques nuages violacés et le doré du ciel au-dessus de ma tête, je vois la pureté d'un vent matinal, j'arrive à le sentir effleurer ma peau, la caresser peut-être et... Et c'est étrangement réel. Abasourdie, j'écarquille grand les yeux lorsque je découvre à quelques centimètres de moi un nez. La première chose qui me vient à l'esprit est alors la fameuse tirade des nez d'Edmond Rostand, très vite suivie par "BORDEL MAIS OU EST-CE QUE JE SUIS ?!" Au moins je n'eus aucun mal à reconnaître mon agresseur endormi : pas de doute, c'est Arthur. Il est là, silencieux et encore inconscient, je décide donc de partir de ça : je suis avec Arthur. Déjà c'est que tout va bien, mais comment j'ai pu ne pas m'en rendre compte ? Il est tellement discret, tellement paisible... Pour peu il serait mignon le Madeck. Non en fait, il est définitivement mignon, est-ce que j'ai l'air aussi adorable quand je dors ? Je jette un rapide coup d'oeil par la fenêtre et c'est très loin de ressembler à mon fantasme : certes, il fait beau et le soleil illumine le ciel mais on est loin des couleurs merveilleuses que j'avais en tête. Décidément, on est jamais mieux servi que par soi-même. Autour du lit, du bordel. Un peu comme dans ma tête, mais pour le coup c'est plus beau que mes pensées... Je sais pas si c'est mon esprit qui bosse pour me contredire (se contredire ?) ou si c'est Arthur, ou une puissance extérieure. Ça me revient petit à petit, c'est la chambre de monsieur. Je suis plus vraiment sûre de comment on est arrivés ici, mais au vu de ma tenue on a du s'amuser. Je découvre avec satisfaction que je porte ma guêpière en dentelle noire - pas ma plus belle, mais tout de même - sans oser regarder mes bas, qui eux doivent être en sale état. Je caresse doucement le tissus sur mon ventre : la dentelle me fascine. Quelque chose d'aussi raffiné venant d'un être aussi grossier que l'Homme... Je sens quelque chose près de mon épaule et je sursaute : c'est Madeck. Putain mais comment j'ai pu l'oublier deux fois ? Il est tellement discret, ou moi tellement pensive, ou perdue, je sais pas. Maintenant que j'y pense, peut-être qu'il m'a trouvée aussi ridicule que je me suis trouvée jolie dans ces dessous. Mais je m'en fous, je me sens étrangement bien... Je réalise que j'ai pas encore pris mon cachet. Mais je suis déjà détendue, et ça me fait bizarre. Ce désordre autour de moi est apaisant, je vois des astrolabes qui traînent, des objets que je ne comprends pas - dont un drapeau breton, non mais franchement -, des croquis de bateaux... Je l'imagine en mer, fièrement dressé face aux vagues, je le vois sous le soleil comme la tempête, j'entends la mer et je me demande si Arthur aimerait une chasse aux trésors, comme un pirate. A vrai dire, ça me botterait bien de prendre le bateau un jour et de partir comme ça, à la recherche d'une relique disparue depuis la nuit des temps. Je regarde Madeck et lui demande mentalement si ça lui plairait à lui aussi ? Mais toi Arthur tu t'en fous, déjà parce que tu dors, ensuite parce que t'es comme ça. Et ça te va bien. Peut-être qu'au fond t'es complètement différent, peut-être que c'est moi qui t'imagine comme ça, peut-être que t'existes même pas. Tu te rends compte, Madeck ? T'es peut-être même pas réel. J'ai de plus en plus envie de cette clope, est-ce qu'on peut fumer ici ? Les collocs d'Arthur diraient-ils quelque chose ? D'ailleurs ils sont où, ses collocs ? Je sais plus s'il m'en a parlé, si j'écoutais ou non, d'ailleurs mon crâne me sous entend qu'on a potentiellement bu un peu la veille. Je passe ma main sur mon front, mon visage et là ma main me revient avec une légère tâche noire. Je mets deux secondes à comprendre et je manque de m'étouffer en tentant de me retenir de rire : putain Ana, tu dois avoir une de ces gueules, le mascara jusqu'au menton et khôl partout. Je bénis le ciel de ne jamais mettre de faux-cils, sinon à l'heure qu'il est j'en aurais sans doute dans les cheveux - voire dans ceux d'Arthur, ce qui serait peut-être encore pire. J'en profite pour le prendre contre moi. Je sais pas trop si c'est pour profiter un peu de la chaleur humaine, ou pour qu'il se réveille avec quelque chose de plus cool que mon visage sous les yeux. Au final la première possibilité me déplaît, je me sens même faible d'y avoir pensé. Du coup j'oublie, car c'est là l'un des avantages de l'esprit, du cerveau : il efface ce qu'il veut, il crée ce qu'il veut... Et je réalise que ce réveil est exactement comme je le veux, comme je l'aurais rêvé. Je me sens bien, sereine. Aujourd'hui sera une belle journée.
Arthur Madeck Club de Natation
Messages : 156 Date de naissance : 13/05/1997 Date d'inscription : 04/06/2014 Âge : 27 Job : Etudiant Côté coeur : Léger Personnage en trois mots : Un beau bordel
Carte d'identité Année scolaire: Troisième Année Dortoir & numéro de chambre: Dortoir B - Chambre n°04 Colocataires: Torri T. Takura & Haru Sayuri & Ayako Yozora
Re: Aujourd'hui sera une belle journée. [PV : Arthur Madeck]- posté le Jeu 9 Avr - 14:06
Des bras le scellent et une douce fièvre s’impose à lui. Il ne bouge pas, ne bronche même pas. Il répond seulement par un léger soupir et niche plus confortablement sa joue sur la peau qui s’offre à la sienne, sans s’interroger. Ses yeux restent clos, encore trop fatigués pour être sollicités pour quoique ce soit. De toute façon, ce n’est pas comme si un regard pouvait changer quelque chose. Arthur, c’est le genre de type qui ne reconnaît rien, qui refuse de voir. Il ressent, c’est tout. Et sous ses lèvres, il effleure une peau aux effluves entêtantes. Il estime que ce parfum appartient à une femme, trop sucré pour être celui d’un homme. Les yeux clos, il lit l’identité de la jeune femme du bout des doigts ; il remonte des hanches jusqu’aux épaules et perd légèrement le court. Il croise ensuite quelques cheveux égarés sur sa clavicule et quelques brides de souvenirs reviennent à lui. Avec lenteur, il fait rouler les boucles soyeuses de la jeune femme entre ses doigts et sourit avec légèreté. Peu à peu, il se réjouit de deviner l’identité de celle qui l’a accepté entre ses bras une nuit. Ou même plus, le Marin n’a pas réellement la notion du temps. Que ce soit une nuit, une journée, une vie, ça n’a pas vraiment d’importance, de toute façon. Il se fout de tout, car finalement, ils l'ont fait et ça lui suffit.
Il se laisse submerger par la fièvre que lui offre la peau de la jeune femme et se repose un peu plus dessus. Ses caresses douces, bien trop lentes pour éveiller, l’engourdissent et Arthur finit par s’assoupir quelques instants. Peut-être qu’Ana va s’impatienter face à son indolence. Peut-être même qu’elle va s’irriter de le voir s’échouer sur elle sans aucune retenue. Peut-être bien, Arthur ne pense pas à tout ça. Il se laisse bercer par les vagues provoquées par la respiration de la jeune femme, trop somnolent pour imaginer quoique ce soit.
Au son d’un vibreur, Arthur soupire. Il ouvre un œil, rencontre une poitrine, ce qui a le mérite de lui faire ouvrir le deuxième. Il sourit légèrement, déduit que c’est sûrement ça, le pouvoir mystérieux des femmes : un argument, même silencieux, et c’est tout un homme qui est en émoi. Cependant, il n’engage aucun geste, peut-être trop ensommeillé pour remuer, sûrement trop envoûté pour bouger. Puis le téléphone fait encore des siennes et Arthur finit par rouler sur le côté, l’avant-bras devant les yeux. Il s’arrache des rayons de lumière, flottant encore pour quelques secondes dans les souvenirs de la veille. Il économise ses mots, ne prend même pas la peine de s’excuser pour les gestes dont son corps porte encore les stigmates. Déjà parce qu’Ana n’y croirait pas une seconde, ensuite parce qu’il est trop occupé à profiter des quelques rayons de soleil sur sa peau dénudée. Il ne sait pas trop si c’est la chaleur ou ses souvenirs, mais Arthur sourit un peu plus.
Et puis, il y a cette foutue gorge sèche qui le dissuade de prononcer ne serait-ce que le quart d’une consonne. Il s’interroge vaguement sur le nombre de verres et de clopes qui se cachent derrière son envie de tousser, et convient rapidement qu’il s’en lustre totalement. Il s’empêche de racler sa gorge, préfère songer mollement à la bouteille d’eau qui trône fièrement sur sa table de chevet. Il y pense quelques secondes, puis tend mollement son bras. Et puisque l’expédition est jonchée d’embûches, il trébuche plusieurs fois sur des objets non-identifiés. Il ouvre un œil, identifie un sous-vêtement qui n’est définitivement pas à lui, s’amuse de ce présent, et attrape finalement sa bouteille. Il s’étonne qu’elle soit remplie, mais ne bronche pas plus que ça. Il est encore trop endormi pour aligner deux idées cohérentes et, de toute façon, la réflexion n’est pas réellement son domaine. Il faut des génies et des idiots, et Arthur apprécie son rôle de parfait crétin. Ça lui permet de rêver sans être obligé de prostituer sa pensée, sans être confronté à des grandes théories qu’il ne comprendrait même pas. Il laisse ça à sa sœur, passée Reine dans l’art de ne jamais tourner sept fois sa pensée avant de parler.
Arthur suspend son geste et cesse progressivement de boire. Il songe à Anaëlle, à sa réaction si elle les découvrait dans ce lit. Il hésite entre une opposition farouche et la résignation. Faut dire qu’il ne lui a jamais promis d’éviter son amie. Déjà, parce que c’est inutile avec Arthur, ensuite parce qu’il faudrait être foutrement fêlé pour se refuser à une telle femme. D’ailleurs, il jette un regard vers Ana et lui propose, en un geste, sa bouteille. Ils ne sont plus à ça près. Il oublie par là même toutes ses questions, car de toute façon, il se fout bien de trouver des solutions. Il n’est pas du genre à s’en faire sur la portée de ses gestes, ni même à se questionner sur leurs retentissements. Ils se sont éclatés, ça finit là. Ce n’est pas comme s’ils s’étaient fiancés ou mariés.
Parcourant du regard la table de chevet, Arthur cherche son paquet de cigarettes. Il a envie d’une clope, histoire d’infuser encore quelques instants dans les derniers soubresauts de langueur qui parcourent son corps. Du bout des doigts, il attrape clopes, briquet et cendrier improvisé, et s’en allume une. Il oublie la jeune femme, un peu trop perdu dans sa bulle pour se préoccuper d’elle. De toute façon, elle le connaît bien, et même un peu mieux depuis ce matin. Elle doit sûrement savoir que cet oubli est tout bonnement dû à de trop fréquents voyages dans les nuages. Alors, oubliant tout de l’existence humaine, Arthur s’affale sur son oreiller, le regard perdu dans le plafond. Il se demande vaguement pourquoi il est si haut et pourquoi il s'évertue à cacher la beauté du ciel sous quelques tonnes de plâtre. Il divague un peu, prend tout son temps pour émerger. Tout prend toujours un temps fou avec Arthur. Il est comme ça, on le changera pas. Comme le disait un vieux type célèbre : rien ne sert de partir, il faut languir à point. Ou quelque chose dans ce genre.
Aujourd'hui sera une belle journée. [PV : Arthur Madeck]